
Louis Capet, suite et fin – Jean-Luc Benoziglio
Les éditeurs de littérature dite générale nous réservent parfois de bonnes surprises. Les non-lecteurs de SF vont pouvoir découvrir, sans le savoir s’ils ne lisent pas cette critique, un des grands genres de la science-fiction : l’uchronie. Ce genre hautement romanesque qui a inspiré les plus grands (Silverberg, Dick…) se base sur un constat : l’Histoire ne s’est pas déroulée comme on croit. L’Invincible Armada a écrasé les Anglais en 1588, les Allemands ont gagné le Seconde Guerre mondiale…
Benoziglio choisit une période peu usitée en uchronie : la période révolutionnaire. Louis XVI n’a pas été décapité mais banni. Il est devenu Louis Capet, simple citoyen ordinaire, sauf qu’il souffre d’un handicap majeur : il ne sait rien faire de ses dix doigts. Saint-Saphorien, dans le (futur) canton de Vaud, qui a hérité de la patate chaude bien malgré lui après bien des négociations, traîne le citoyen Capet comme un boulet, et le dit citoyen s’ennuie dans son galetas. Ses courriers pour avoir le droit de chasser et d’assister à la messe restent lettres mortes. Mais que peut-on faire de ce poivrot qui vit aux frais de la princesse, si j’ose dire ?
Le lecteur est, quant à lui, happé par la prose luxuriante de Benoziglio. Ses phrases, d’une longueur inhabituelle, accumulent les subordonnées, les coordonnées et de savoureuses parenthèses ; elles méconnaissent généralement l’ordre traditionnel sujet/verbe/complément, favorisant le rejet du sujet en fin de phrase, obligeant le lecteur à une attention soutenue. Benoziglio joue donc avec la grammaire autant qu’avec l’Histoire pour imaginer une tragi-comédie suisse saupoudrée d’humour triste et de quelques sarcasmes populaires. Le narrateur n’est pas absent, qui ponctue ses discrètes interventions de « m’a t-on dit » et rapporte certains dialogues au style indirect libre avec beaucoup de finesse et d’humour.
A lire donc. Que vous soyez royaliste ou uchroniste peu importe : si vous êtes un littéraire vous serez charmé.
Louis Capet, suite et fin, Jean-Luc Benoziglio, Seuil, janvier 2005, 181 pages, 15€


2 Comments
choupynette
moi qui suis en train de lire Les 76 jours de Marie-Antoinette à la Conciergerie de Belaiche-Daninos (pas exceptionnel, d’ailleurs), voilà qui m’intéresse!
Sandrine Brugot Maillard
Ce point de vue est tout à fait différent 😉