
Dans la chambre d’Iselle – François Dominique
Franck est compositeur, Lucy biologiste. Ils vivent à Paris-la-Neuve et se réjouissent de la venue prochaine d’un enfant qu’ils ont finalement décidé d’appeler Iselle. Cette grossesse est un événement car l’humanité est menacée d’extinction, hommes et femmes étant dans leur grande majorité stériles. C’est que Dans la chambre d’Iselle nous transporte en des temps très lointains, post-apocalyptiques et pleins d’espoir.
Tout n’est pas allé pour le mieux dans le passé. Par bribes évocatrices, on comprend que le monde a connu de terribles séismes qui ont ravagé la Terre et les populations du monde entier. La végétation a totalement disparu au nord du 40e parallèle. Sur ces désastres naturels s’est installée la tyrannie mondiale d’Octopus, sorte de dictature financière que Franck le narrateur a connu dans son enfance.
L’ordre du monde s’en est bien sûr retrouvé bouleversé. L’Afrique est par exemple devenue le verger de l’Europe qui ne saurait survivre sans elle, sans l’aide humanitaire qu’elle lui octroie.
Au moment où le lecteur rencontre Franck et Lucy, la situation s’améliore sous la direction de la République sociale, gouvernement qui organise la mise en commun des ressources et la mobilisation pour la survie. Les investissements se font en direction de la recherche biologique et médicale, de la climatologie, de l’énergie, de l’instruction… Ainsi la végétation reprend-elle ses droits à Paris-la Neuve, ainsi certains couples, après une sévère sélection et une longue attente peuvent-ils accéder à la procréation par clonage : le génie humain oeuvre enfin dans la bonne direction, pour la survie de l’espèce.
Tout n’est cependant pas encore idéal, certains groupuscules violents sévissant notamment à l’encontre des nouveau-nés.
Dans une société en reconstruction, encore entourée de ruines, quelle est la place de l’art ? Franck peine à écrire son opéra. Futur père puis jeune père, d’autres sujets accaparent son attention et l’empêchent de se concentrer sur sa création. Il ne semble pas capable de mener à bien ce projet artistique, pas dans les traces de Beethoven ou Tchaïkovski. C’est sa fille, l’étrange Iselle qui va lui donner les sons qui lui manquent, montrant la voie pour une création nouvelle. Inquiétante étrangeté de l’enfant surdoué…
La chambre d’Iselle se présente comme un espoir de survie : après la folie des hommes et de la nature, il y aura encore des fleurs, encore des enfants et encore de la musique. Et encore des créateurs et des scientifiques pour faire avancer l’espèce dans le bon sens. C’est peut-être ainsi qu’il faut comprendre l’épisode du Golden Record , ce disque envoyé dans l’espace sous Jimmy Carter à destination des extraterrestres : il a en lui un échantillon des musiques, des sons et des langues du monde. Pour qu’ils survivent au nôtre et en témoignent au-delà de la Terre et du temps. Et le voilà qui ressurgit, transformé.
François Dominique prend donc le contrepied de la veine dystopique actuelle, foncièrement pessimiste. Son univers post-apocalyptique nous transporte après la dictature et sans zombies, quand le Bien commun triomphe du Mal. Il y aura alors de nouveaux chemins créatifs, procréatifs et harmonieux pour tous.
Dans la chambre d’Iselle, François Dominique, Verdier, septembre 2015, 183 pages, 14€


6 Comments
Yueyin
Du post apo optimiste, ça me plaît beaucoup comme idée 🙂
Sandrine Brugot Maillard
et élégamment écrit, ce qui ne gâche rien…
Lisbei
Tiens, voilà une version différente de ce que l’on peut lire ces derniers temps, ça me tente, je note …
Merci pour la découverte !
Sandrine Brugot Maillard
Ça fait plaisir de constater que certains auteurs ont encore assez d’imagination pour innover dans le post-apo : on n’y croyait plus…
Tigger Lilly
Bigre en voilà un bouquin qui pourrait me plaire. Merci du tuyau !
Sandrine Brugot Maillard
Il n’en a pas été beaucoup question mais c’est en effet un roman qui pourrait plaire à de nombreux lecteurs d’imaginaire. Avant lui, François Dominique a publié Solène qui me semble aussi intéressant.