
Le dernier voyage d’Horatio II – Eduardo Mendoza
Le commandant Horatio II consigne jour après jour dans son Respectueux Rapport tous les faits et gestes de l’équipage et des passagers de son vaisseau. Force nous est donc donné de constater que c’est un incapable fini et que chacun fait à bord ce qu’il a envie.
Il n’y aurait peut-être pas lieu de s’inquiéter si les passagers n’étaient des membres irrécupérables de Femmes Dévoyées, de Vieillards Imprévoyants et de Délinquants, envoyés dans l’espace sans destination précise, pourvu qu’on s’en débarrasse… Le régime d’eau putride et de bouillies de riz conduisant ce charmant équipage au bord de la révolte, le commandant doit rejoindre les stations spatiales qu’il croise au hasard de ses erreurs de navigation. Mais certaines sont peuplées de pirates sans foi ni loi, d’autres d’assassins pas plus scrupuleux. Pas facile dans ces cas-là d’obtenir cette fichue « mise à la retraite anticipée sans réduction de salaire« …
Pour notre plus grande joie, Mendoza revient à la science-fiction délirante et incroyablement romanesque. A travers le carnet de bord d’Horatio, le lecteur comprend à quel point cet incompétent commandant se dissimule à lui-même (mais il est le seul à y croire) son incapacité et sa suffisance. Les événements sont rapportés à la première personne et Horatio transpose de façon très détachée tous les dialogues, même ceux où il se fait traiter d’abruti…
Entouré d’un équipage insubordonné et violent, ne trouvant aucune aide dans les stations spatiales où règnent le vice et la corruption, Horatio II ne se plie qu’à une règle à laquelle il ne déroge pas : remplir son Respectueux Rapport. C’est réjouissant et décalé : un voyage interstellaire où il fait bon rire.
Eduardo Mendoza sur Mes Imaginaires
Le dernier voyage d’Horatio II (El último trayecto de Horacio Dos, 2002), Eduardo Mendoza traduit de l’espagnol par François Maspero, Le Seuil, mai 2004, 224 pages, 15€

