
La lumière des morts – Thierry Di Rollo
L‘homme-Afrique s’éveille, l’heure du carnage a sonné !
Ils sont trois. Trois épaves échouées dans un des nombreux parcs animaliers de cette Afrique en fin de course. Trois gardes dont le rôle se limite à mesurer la déchéance des animaux qu’ils sont censés protéger, sauvegarder. Il y a Bongo, qui pue comme une charogne recuite par le soleil, qui ne parle pas, ou si peu, mais qui sourit, ça oui. Il y a Lhar, l’allemand, imbibé du matin au soir, une outre d’alcool qui, bien que titubante, parvient encore à bander… Et il y a Dunkey, l’homme trouble au passé chirurgical. Un passé lancé à ses trousses, dont il mesure l’inexorable progression.
Et voici qu’arrive l’homme-Afrique, le tueur d’assassins qui, au loin, devine sa prochaine destination : cette Europe grise des blancs propres. Il est l’homme-rhinocéros, tout auréolé de cette étrange lueur bleutée que Bongo appelle la lumière des morts.
Préparez-vous…
Il approche.
Nous entrons avec Thierry Di Rollo dans un monde sordide et glauque qui ne peut laisser indifférent. Ses personnages, tant en Europe qu’en Afrique, sont les parias d’une société qui parque ses nantis comme ses animaux sauvages. Alors les uns comme les autres souffrent de dégénérescence et se livrent à des pratiques abominables, que l’on ose croire contre nature. Ainsi en est-il d’un millionnaire qui achète des membres humains frais pour on ne sait quelle utilisation. Et Dunkey lui en fournit, jusqu’au jour où le cadavre qu’il doit découper est celui de celle qu’il aime de tout l’amour dont il est capable. Et Dunkey de glisser vers la folie, dans une sordide réserve africaine, entouré d’êtres encore plus fous que lui et poursuivi par l’étrange lumière bleutée d’un rhinocéros vengeur.
Il n’y a rien de gratuit dans les scènes horribles décrites par Thierry Di Rollo. Certaines visions de cauchemars sont aussi froides qu’un diagnostic et aussi poignantes qu’un poème infiniment triste. Ce monde n’est qu’absurdité et douleur. Cette densité d’écriture confine à la poésie, comme les vers tristes d’un fou qui pleure sa raison. Les âmes sensibles et les bluettes s’abstiendront sans doute, les autres seront peut-être choqués par tant de violence et de crudité, quelques-uns certainement seront impressionnés par cette écriture aussi noire que singulière.
Thierry Di Rollo sur Mes Imaginaires
La lumière des morts, Thierry Di Rollo, Gallimard (Folio SF n°175), mai 2004, 250 pages, 5,30€

